Le plus connu : LE SORCIER
C'est le plus connu car c'est celui qui est toujours produit, qui est le plus produit, qui a envahi tous les continents, celui qui a été le premier à tous égards, et qui a fondé la
légende du DOUK-DOUK.
L'histoire est belle:
Dans un 19ème et un début de 20ème siècle où Thiers s'exportait dans le monde entier, la Manufacture de Coutellerie COGNET était l'une des plus exhaustives, et avait pénétré bien des
pays, parfois bien mal connus en France.
C'est dans ce souci d'expansion que, en 1928-1929, Gaspard (dit "Gaston") COGNET décida de commercialiser un couteau simple, efficace et bon marché à produire , un couteau "de traite",
dans un archipel quasi inconnu de l'Océan Pacifique: La MELANESIE. Feuilletant un dictionnaire pour rechercher une "accroche" commerciale, il eut l'œil instantanément attiré par le dessin d'un
sorcier local appelé "douk-douk". La tête prise dans un grand masque pointu, et le corps recouvert de feuilles de palmier, il symbolisait un redouté dieu punisseur chargé - à coups aidant- de faire
passer les jeunes à l'âge adulte dans le cadre d'une initiation compliquée et souvent douloureuse. Le coutelier tenait son personnage; et le marquage fut déposé en 1930.
Le succès ne fut absolument pas au rendez-vous, malgré une audacieuse lame inspirée des cimeterres turcs; qui en faisait un couteau résolument exotique. Face à ces ventes très décevantes,
Gaston COGNET, jamais découragé, s'obstina à les proposer dans divers pays éloignés.
Et c'est en Afrique que le Douk-Douk trouva son public: très vite en Afrique du Nord; plus tard en Afrique Noire. Sa migration internationale l'amena aussi au Moyen Orient (Liban) ou même
en Asie ( via l'Indochine où nos militaires le firent connaître)
En Algérie, la qualité de son tranchant et la facilité à le cacher du fait de sa faible épaisseur, en firent le compagnon des combattants du F.L.N. , tandis que les troupes françaises sur
place l'utilisaient aussi au quotidien ! Il faut dire que la D.S.T. l'ayant considéré comme une arme dangereuse aux mains du F.L.N. en bloqua un temps la production et l'importation. les stocks
confisqués chez les grossistes et revendeurs algériens furent redistribués à l'Armée Française qui l'apprécia, et l'adopta comme une sorte de couteau règlementaire de paquetage, dont il n'eut
pourtant jamais le statut . . .
Cette série extraite du catalogue de 1960 montre une grande variété de lames : "Turque" bien sûr; mais aussi "Bourbonnaise" ou "Pied-de-mouton"; et même "Yatagan" pour le modèle "LION"
Le couteau frappé au SORCIER donna lieu à une série de déclinaisons à inspiration plus locale, avec la CROIX Du SUD (ou Croix d'Agadès), EL BARAKA , ou LE SAHARIEN en 1950; comme le
CHACAL ED DIB en 1960. Le couteau gagna la clientèle de l'ensemble de l'Afrique du Nord.
Parallèlement, un modèle LE TIKI, créé en 1950, tentait à nouveau de se concilier le marché de l'Océanie; mais c'est encore au Maghreb que sa vente fut la plus forte.
A noter que, dès le début, en 1930, avait été produit en quantités moindres, un modèle dit LE LION, figurant sans doute le "Lion de l'Atlas", une catégorie de lion vivant dans cette
région; et dont - à l'état sauvage- l'extinction totale remonte environ à 1940. Quelques spécimens se reproduisent encore dans un parc zoologique marocain.
Ce couteau présent en 2 tailles ( 16 et 19 cm ouvert) connut d'autres modèles, comme le RDA en 1957. Cadeau de campagne électorale de Félix Houphouët-Boigny, alors président de la
République Démocratique Africaine ( qui devint plus tard, à son indépendance, la Cote d' Ivoire). Il jouait sur une ambiguïté : le nom officiel marqué sur le manche "Royal Drums Ancestors" (Tambours
Royaux Ancestraux), dont les initiales étaient ainsi les mêmes.
Citons également une production marquée à "LA LEVRETTE" l'un des marquages phares de la M.C.C. utilisé pour des modèles très différents du Douk-Douk.
2 exemplaires "RILSANÉS", généralement utilisés pour des articles publicitaires
Bien que la couleur claire et l'état ne permettent pas bien de les percevoir, les 2 tirets sont bien présents sur cet exemplaire rilsané, conçu sans
bélière
Le manche, produit par pliage et englobant le ressort, était classiquement fabriqué en acier carbone à oxydation stabilisée noire. Quelques modèles, de gamme plus soignée, étaient
"chromés" avec une sorte d'argenture appelée "Spalek". Quelques très rares modèles ont été "Rilsanés", donc couvert de Rilsan, un revêtement synthétique souple permettant la couleur. Plus rares
encore, quelques modèles couleurs émaillés au four (notamment un vert). L'Inox ne viendra que plus tard. Et il faudra attendre les années 80/90 pour trouver plusieurs palettes de couleurs
successives.
Le modèle "SORCIER" de base a une variété de modèles souvent méconnue: 2 tailles pour le manche oxydé; 2 pour le manche "chromé" en métal blanc brillant; 2 pour l'oxydé à lame rabattue; et 2
également pour le modèle à lame noire satinée
Cette trousse-étui propose les 3 tailles de douk-douk : le Petit (16 cm ouvert); le Grand (20 cm) et le Géant ( 26 cm )
Ces 2 exemplaires sont réalisés en métal brillant, mais celui de dessous est beaucoup plus ancien et comporte plusieurs différences, comparé au modèle actuel: "cul" de manche moins arrondi /
Bélière ronde au lieu d'être plate, brillante et npn noire / personnage Douk-Douk de forme plus ronde / axe "de cul" non visible, car noyé dans le retour de ressort, qui allait jusqu'au bord
avant.
Détail sur un modèle ancien
Ce modèle à bélière ronde figure sous le n° 815 , dans le catalogue argenté des années 30
L'humble douk-douk rencontre aussi parfois le luxe: l'Argent, le Damas ou l'Ivoire lui vont bien. . .
LE GÉANT
Ces très grands modèles de 26 cm sont appelés "LE GÉANT"; et ont aussi pour particularité d'avoir un manche galbé. Ils sont tous à manche en acier "oxydé", mais on peut noter quelques
différences: les 2 du haut font partie d'une série limitée, et possèdent donc un numéro de série. Les 2 modèles du bas ne sont pas numérotés; mais le dernier dispose d'une lame noire.
On voit mieux ici les 2 lames différentes
Ces 2 modèles "de luxe" du Géant ont un acier verni noir. les gravures et impressions sont proches, sans être toutefois exactement les mêmes. Le modèle du bas, sorti en TRES petite série, dispose
d'une bélière différente, et le Noir Verni plus brillant
La gravure du corps du sorcier a été remplie par brasure, contrairement aux lettres
Lors de la sortie de ce couteau d'exception, la M.C.C. a fait imprimer un feuillet spécial, le présentant au sein de la "Famille Douk-Douk"
L' "ECUREUIL", présent en 2 tailles, a toujours une lame bourbonnaise centrée
2 tailles avec lame turque, et Croix d'Agadès sur le manche. Le texte figurant sous cette croix est: "EL BARAKA"
2 modèles beaucoup plus anciens: lame turque du milieu des années 50; lame rabattue du tout début des années 60. La mention gravée sur le manche est : "LA BARAKA". La Croix
du Sud n'est pas disposée dans le même sens.
Manche chromé brillant. La bélière est aussi brillante, et non noire
Modèle unique en Laiton - Prototype finalement non commercialisé
4 modèles, 2 tailles, 2 types de lame; et lame noire pour les 2 modèles du centre. En haut, le rechercé modèle MACINA . En bas, modèle ancien des années 60
3 modèles à lame boubonnaise
Existait aussi en lame turque
Petit modèle des années 60 dont le talon de lame porte le marquage LA LEVRETTE - Thiers
2 modèles, 2 lames, 2 époques : le grand modèle date des années 30/40 avec une lame s'inspirant de la lame yatagan, avec une ligne très orientale. Le petit est de montage beaucoup plus
récent. Les graphismes sont proches, mais différents. L'inscription "LE LION" ne figure que sur le modèle ancien
Rarissime modèle commandé par la F.A.O. ( "Food & Agriculture Organization" des Nations Unies ) avec le symbole des éléphants apportant l'aide alimentaire aux pays africains en grande
difficulté
LA GIRAFE
Entre le marquage de GIMEL SAUVAGNAT (1859 /en haut) et celui de Gaston COGNET (1932 à 1977 / en bas), il s'est passé plus d'un siècle et plusieurs détenteurs de la même lignée Soanen/Barnérias /
Cognet. Ce marquage a été régulièrement déposé et renouvelé. Pourtant rarissime sont les couteaux portant le marquage "à LA GIRAFE". C'est le cas de ce douk-douk bourbonnais du début des années
60
Le R.D.A.
Comme indiqué précedemment, le nom de ce couteau jouait sur une ambiguité parfaitement volontaire : l' appelation R.D.A. version Royal
Drums Ancestors fait appel à un enracinement sur des valeurs symboliques fortes. Alors que ce même R.D.A. rappelle le Rassemblement
Démocratique Africain, parti du président Houphet BOIGNY, candidat à sa propre succession. Le couteau accompagna sa campagne de 1957.
Le R.D.A. était décliné en 4 couleurs: Rouge, Vert, Jaune et Bleu
Douk Douk RDA posé sur une boite dans laquelle il était commercialisé auprès des détaillants revendeurs
Comme le RDA ci-dessus, il arrive que la Manufacture de Coutellerie COGNET fasse l'objet d'une demande particulière; afin de promouvoir une marque, de commémorer un évènement, ou
d'affirmer une identité. Il s'agit de petites séries, comportant parfois une petite variante souhaitée par le commanditaire. Mais c'est surtout la gravure de manche, parfois l'impression de lame qui
est le mode usuel.
Par leur rareté, ces couteaux, qui ne sont pas à confondre avec les "clones" d'imitation ou d'inspiration, sont des pièces recherchées par les collectionneurs
Publicitaires
Ce modèle à lame centrée rappelle que la quincaillerie VIDAL est un fournisseur incontournable de l'outillage, en région bordelaise, depuis 1925
Lame bourbonnaise aussi, pour ZEP Industrie, fournisseur de produits de maintenance et de propreté de la région Centre
L' enclume présente sur le motif rappelle qu'avant de s'installer à Thiers en 1980, et d'y tenir une coutellerie réputée, la famille CHAMBRIARD avait forgé à Viscomtat des couteaux monobloc
Disparue en 2013, la société AGRIPAX, spécialisée dans le commerce de gros de matériel sanitaire, est née dans les années 60 au Puy. Les couteaux commandés (petit formamt) étaient un modèle
d'époque avec 2 doubles tirets sur le manche. Pas de bélière sur ce modèle, à la demande de l'entreprise; fabriqué avec 2 types de lames
Bien que JALLUD soit toujours un nom de famille assez courant à Apprieu, l'entreprise a aujourd'hui
disparu.
Co-productions COGNET & COURTY ( célèbre armurerie coutellerie parisienne) des années 2000
Le manche comporte la gravure d'un curieux "personnage" de forme ovoïde, symbole commercial de la société AKERON, fournisseurs de matériel et de coutellerie de plein-air. En fait, il s'agit du
motif décoratif évoquant une tête de mort présent sur la tête d'un papillon, l'acheron tropos.
Dans cette version,la lame turque est d'un beau noir verni
Identitaires
Le douk-douk "PIERREUX" a été créé par une association de carriers sculpteurs, et par l'entremise de la coutellerie parisienne COURTY
Version à lame turque . Il n'a été fabriqué que 300 exemplaires, pour les 2 modèles.
Le service communication ( ou l'OTSI ) de Thiers a choisi le modèle TIKI à lame noire pour promouvoir l'image de la ville
En 2008, le P.S.E.C.F. ( Paris Sud Est Chapter France ) , club de bikers Harley Davidson , fêtait son 15ème anniversaire avec ce douk-douk
Le couteau du chasseur CORSE: le douk-douk "A MUVRA", décoré d'une magnifique tête de mouflon.En bas, un exemplaire à manche "oxydé". En haut, modèle chromé
Et, pour les passionnés du Sanglier, le modèle "U CIGNALINU"
Commémoratifs
Avant de s'appeler COUTELLIA, le salon annuel de Thiers a porté quelques années le nom de KNIFE SHOW, à une époque où les amoureux du couteau custom ne juraient que par les USA. En 1994, ce beau
modèle était proposé aux visiteurs.
Autres Créations
En 2011, sur une idée de Fred Perrin, Pierrot COGNET (en médaillon) crée le VENDEDOUK, sur les principes traditionnels du Douk-Douk, mais avec une ligne clairement inspirée des "Vendetta" ou des
Napolitains anciens. Sur le manche, une forme stylisée de l'Ile de Beauté.
Extrait d'un reportage effectué par l'hebdomadaire belge "Le Patriote " sur les sociétés secrètes des Iles du Pacifique, en 1936.
Et, pour finir, un petit
STRIP-TEASE ?
Vous vous dites bien sûr : " Mais, voyons, c'est un BUNDU ! Pas un DOUK-DOUK !
Ce n'est pas faux; et pourtant . . .
Dans un article de 1988, dans La Gazette des Couteaux, J.R. GLERGEAUX analysait ce couteau comme " UN DOUK DOUK en SURVETEMENT "
Pour bien apprécier cette affirmation judicieuse, il suffisait de démonter les côtes cacoles du Bundu
Il avait raison !